Le Louvre détient une autre des sculptures de Michel-Ange, "Esclave rebelle". Ils ont tous deux été produits dans le cadre de son travail sur les plans révisés de la tombe du pape Jules II, commandés par lui en mai 1513. Ils étaient destinés à être deux des nombreux "Prigioni", ou Prisonniers, qui seraient apparus au niveau inférieur de la tombe s'ils n'avaient pas été retirés des plans de la version finale achevée en 1545. Ce n'est qu'au XIXe siècle que ces œuvres en sont venues à être appelées « esclaves ». Michel-Ange a ensuite présenté ces deux sculptures à Roberto Strozzi en remerciement pour sa généreuse hospitalité. Michel-Ange avait séjourné chez Strozzi à Rome pendant ses périodes de maladie en 1544 et 1546. Strozzi les emmena avec lui en France, lorsqu'il fut exilé d'Italie, et ils finirent par faire partie de la collection nationale française en 1793.

La formation initiale de Michel-Ange était celle d'artiste. À l'âge de treize ans, il entre en apprentissage dans l'atelier de Domenico Ghirlandajo, l'un des artistes les plus importants de Florence à cette époque. Ici, il aurait acquis une bonne éducation dans les techniques de la peinture de fresques et du dessin. Cependant, Michel-Ange n'a passé qu'un an dans l'atelier de Ghirlandajo avant d'être envoyé au palais de Lorenzo de' Medici. Il a pu y apprendre du sculpteur Bertoldo di Giovanni et étudier les œuvres de Giotto, Masaccio, Donatello et celles des sculpteurs grecs et romains que l'on trouve dans la collection Médicis.

Il a appris tout ce qu'il pouvait des anciens sculpteurs sur la façon de représenter les muscles et les tendons du corps humain en mouvement. Non content d'apprendre l'anatomie à partir des œuvres des autres, Michel-Ange s'est inspiré directement de modèles vivants et, avec la permission de l'Église catholique, a même disséqué des corps pour acquérir une compréhension plus profonde de la forme humaine. Michel-Ange est devenu expert dans la représentation du corps humain dans toute sa variété de mouvements et de postures. Il fut bientôt reconnu comme l'un des artistes les plus remarquables de son époque, égalant non seulement les maîtres de l'antiquité classique mais les dépassant même.

C'est en 1505 que le pape Jules II chargea Michel-Ange de construire son tombeau à Rome. C'était un projet ambitieux et grandiose, conçu pour refléter la puissance et la gloire du souverain de toute la chrétienté et qui devait inclure quarante grandes statues. Il n'est pas difficile de voir l'attrait, pour un homme de l'ambition artistique de Michel-Ange, de travailler pour un grand prince d'église dont les ambitions correspondaient aux siennes et qui avait les moyens de les réaliser. Michel-Ange s'est rendu à Carrare afin de superviser la sélection du marbre pour le projet. Il y passa six mois ou plus à sélectionner, rejeter et acheter les grands blocs de marbre à partir desquels il construirait le mausolée. Mais le pape avait d'autres projets à financer, tels que la construction d'un nouveau Saint-Pierre et des campagnes militaires, et son enthousiasme pour le tombeau s'était apparemment refroidi au moment où Michel-Ange était revenu à Rome. Michel-Ange a quitté Rome frustré et ce n'est que lorsque le pape Jules II a exercé une pression diplomatique sur la ville de Florence qu'il est revenu, de là, à Rome.

A son retour, cependant, Michel-Ange fut chargé de travailler, non sur la tombe du pape Jules II, mais sur une fresque pour le plafond d'une chapelle qui avait été construite par le pape Sixte IV ; la Chapelle Sixtine. Il est suggéré que Michel-Ange s'est efforcé d'éviter cette commande de fresque au motif qu'il n'était pas vraiment un peintre du tout, mais un sculpteur. Pourtant, malgré sa réticence initiale, en quatre ans, il a produit à lui seul l'une des plus grandes œuvres d'art que le monde ait vues. Après l'achèvement du plafond de la chapelle Sixtine, Michel-Ange est revenu à son travail sur la tombe du pape Jules II et a produit trois sculptures : "Esclave mourant", "Esclave rebelle" et une figure de Moïse. Après la mort du pape Jules II, les plans de sa tombe ont subi plusieurs modifications et Michel-Ange a travaillé à intervalles réguliers sur le projet jusqu'à son achèvement en 1545.

On a dit que dans "l'Esclave mourant", Michel-Ange dépeint ce moment, au moment de la mort, où le corps est vidé de la dernière de sa vitalité pour devenir une simple matière sans vie. Il nous montre un jeune homme perdu dans un état de lassitude onirique et d'acceptation de sa libération des luttes de la vie. Les liens autour de sa poitrine indiquent son état de captivité. Le rendu par Michel-Ange de la forme parfaite de la jeunesse et de la sexualité inconsciente dans sa posture évoque puissamment la beauté de sa sensualité langoureuse dans la vie. À tel point que certains ont douté qu'il s'agisse d'une figure d'esclave mourant. Le critique d'art Charles de Tolnay décrit cette œuvre comme « un adolescent rêveur essayant de secouer les liens du sommeil ». Quelles que soient les intentions de Michel-Ange, ce qui semble vrai, c'est que son génie et son habileté lui ont permis de produire une œuvre si imprégnée de vie qu'il semble presque impossible qu'elle ne soit que de la pierre froide et sans vie.