Composé de trente-trois panneaux différents en tout, c'est la section centrale de neuf panneaux, représentant l'histoire de la Genèse qui se trouvent au cœur du plafond ; et qui pourrait être considéré comme le chef-d'œuvre de Michel-Ange. Le Déluge est le deuxième de ces panneaux, et raconte l'histoire du Grand Déluge, lorsque Dieu a noyé la Terre, sauf les occupants de l'Arche de Noé ; qui est visible ici en arrière-plan, flottant sur la montée des eaux. L'Ancien Testament est un texte plus brut, plus violent que le Nouveau, et Michel-Ange ici ne craint pas la notion d'un Dieu vengeur. La peinture est une masse d'énergie qui se tord, alors que des personnages nus cherchent à échapper à la montée des eaux ; la peinture transmet efficacement le sentiment de panique avec des coups de pinceau musclés détaillant les formes déformées des personnes condamnées.

Partout où l'on regarde dans ce tableau, il y a du désespoir, un nœud de personnages au premier plan à gauche escaladant un rocher stérile (et dans un cas un arbre foudroyé aux membres nus, le manque de feuilles de l'arbre étant sûrement un clin d'œil à la façon dont la vie s'en va le monde) se reflète sur la droite par un autre groupe regroupé sous un abri rudimentaire. Au centre de l'image se trouve la scène la plus désespérée de toutes, un groupe dans un bateau qui est visiblement en train de chavirer - sûrement une métaphore de l'impuissance de l'homme face à Dieu tout-puissant. Les seuls à être sauvés sont ceux de l'Arche, que l'on peut voir ici encore en train de travailler frénétiquement, le châtiment de Dieu venant peut-être un peu plus tôt que prévu par Noé.

Mais fait-il autre chose ici ? La scène est si désespérée, et la destruction si visiblement imminente, que le spectateur est obligé de s'interroger sur le bien-fondé d'une telle vengeance. Certes, la relation de Michel-Ange amoureux de la vie avec l'Église était parfois difficile à concilier avec ses tendances hédonistes (dans les années suivantes, El Greco devait le considérer comme insuffisamment chrétien), il ne voulait pas peindre le plafond de la chapelle Sixtine, étant occupé à la temps sur la tombe du pape Jules II, et se considérant plus sculpteur que peintre. Des éléments de cette œuvre peuvent nous conduire aux romantiques français de plusieurs siècles plus tard comme Eugène Delacroix et Théodore Géricault. Il a même écrit un poème détaillant à quel point c'était une expérience désagréable. Dans ce contexte, est-il possible que la nature viscérale de ce tableau soit destinée à inviter à la critique ? Faire en sorte que le spectateur remette en question la justesse des actions de Dieu ?

Quelle que soit la motivation de Michel-Ange, ce qui est incontestable, c'est la puissance de cette peinture. Son énergie est presque aussi écrasante que l'eau. L'utilisation de la couleur est magistrale, les eaux sont d'un blanc et d'un gris impitoyables plutôt que d'un bleu parfait. Ce vide furieux et orageux est la toile de fond parfaite pour les tons chair vifs de son peuple alors qu'il tente en vain de s'échapper. Les corps sont représentés avec la précision anatomique habituelle de Michel-Ange et son œil pour la beauté, en particulier de la forme masculine. Les parties humaines de la peinture sont pleines d'action, les corps sont serrés les uns contre les autres, le niveau de détail est incroyable. Mais l'aspect peut-être le plus touchant du Déluge est l'image d'un homme tenant tendrement le corps noyé d'un autre, vraisemblablement son fils. Ainsi, nous avons un acte d'amour au milieu d'un tableau sur la rétribution. Quant à savoir si cela représente l'amour divin ou le genre plus humain, c'est au spectateur de juger.